Qu’est-ce que les titres “…Baby One More Time” de Britney Spears, “I Want It That Way” des Backstreet Boys, “That’s The Way It Is” de Céline Dion, “Shake It Off” de Taylor Swift ou “Blinding Lights” de The Weeknd ont en commun ? Ils ont tous été écrits, co-écrits, produits ou co-produits par un Suédois dont la carrière a démarré dans les année 1990: Max Martin ( de son vrai nom Karl Martin Sandberg, né en 1971).
John Seabrook, auteur du livre The Song Machine (How To Make A Hit), l’a présenté dans le New Yorker comme le Cyrano de Bergerac de la Pop Music, l’homme de l’ombre faiseur de hits, le ghostwriter de luxe des pop stars.
Comment Max Martin a-t-il débuté sa carrière ?
Max Martin a fait ses classes au sein de la maison de production Cheron, aux côtés d’un autre producteur de génie, son mentor, Denniz Pop, décédé bien trop tôt, en 1998, à l’âge de 35 ans.
Martin et Pop (de son vrai nom Dag Krister Volle) collaborèrent dès 1993 à l’écriture du 2ème album d’Ace Of Base (The Bridge, 1995), propulsés dès l’année précédente au sommet des charts avec leur tube “All That She Wants”.
Après Abba (lancé par leur victoire en 1974 au concours Eurovision avec Waterloo) et Roxette (The Look), Ace Of Base confirma le statut de la Suède comme exportateur majeur de tubes aux quatre coins de la planète. Martin est crédité sur le single Beautiful Life.
Les années qui suivirent confirmèrent le flair et le talent de producteur de Max Martin, aux côtés de Denniz Pop et ensuite en solo.
Sa fortune est aujourd’hui estimée à plus de 250 millions de dollars. Seuls Paul Mc Cartney et John Lennon ont placé au titre d’auteur-compositeur plus de singles au sommet des charts que Max Martin. En tant que producteur, Martin est à égalité de succès ayant décroché le n°1 avec le producteur des Beatles (un autre “Martin”), George Martin.
Quelles sont les collaborations récentes de Max Martin ?
Outre les artistes déjà cités, on retiendra la collaboration de Max Martin avec Pink, Usher, Avril Lavigne, Jessie J, Katy Perry (I Kissed A Girl), Christina Aguilera, Ariana Grande, Coldplay, Bon Jovi (It’s My Life), etc. Plus récemment il a participé aux morceaux Supermodel de Måneskin et 2 Be Loved (Am I Ready) de Lizzo.
Une sélection de titres du catalogue de Max Martin ont été utilisés pour composer la playlist de la comédie musicale &Juliet, qui a débuté dans le West End à Londres en 2019.
Comment définir le style de Max Martin ?
En une phrase: un peu de tout, savamment dosé.
La couleur des morceaux composés ou produits par Max Martin s’inspire à la fois des accords et textures d’Abba, de la dynamique initiée par son mentor Denniz Pop (qui n’était pas musicien), des tubes “Stadium Rock” des 1980s et du R&B américain du début des années 1990s. Côté paroles, les morceaux ne font pas dans la littérature. Le texte a pour objectif principal de sonner juste sur la mélodie, comme en attestent le refrain de Britney Spears “Hit Me Baby One More Time” ou le “I Want It That Way” des BackStreet Boys.
Ce mix totalement décomplexé d’influences diverses s’est avéré être un cocktail gagnant. Peu d’artistes de l’ombre peuvent se targuer d’un palmarès aussi impressionnant que celui de cet auteur-compositeur-producteur suédois.
Pour l’anecdote, sachez que Max Martin enregistre la plupart du temps sa propre version de tous ses titres, dont les stars interprètent en quelque sorte une reprise.
À la différence de Lennon et Mc Cartney, qui ont co-écrit la plupart de leurs morceaux en duo, sans faire appel à d’autres collaborateurs, Max Martin, tel l’Obi Wan d’un cercle de disciples, s’entoure de co-auteurs et co-producteurs talentueux. C’est sans doute un facteur clé dans la pérennité de son succès.
Max Martin, mentor de Shellback
Max Martin fut notamment le mentor de Shellback (né en 1985). Shellback (de son vrai nom Karl Johan Schuster) démarra sa collaboration avec Martin à l’âge de 16 ans. Au début, comme il l’explique dans un documentaire Netflix (The Stockholm Syndrome), il se contentait de servir le café et de prêter main forte à son mentor. Mais un beau jour, Max Martin lui a mis le pied à l’étrier en proposant l’un de ses titres à Pink. Le morceau “So What” se hissa en 2008 au sommet des charts ! Depuis lors Shellback a collaboré avec Adam Lambert, Usher, Kesha, Robyn, Adele, Justin Timberlake, Maroon 5, Christina Aguilera, One Direction, Lily Allen, Ariana Grande, Taylor Swift, Katy Perry, Ed Sheeran, Ava Max, Sam Smith et bien d’autres !
Avec la collaboration de Martin et de son ami Julius Petersson, Shellback a fondé la maison d’édition The Wolf Cousins, pour développer la carrière d’autres producteurs. Le succès fut immédiatement au rendez-vous avec les tubes Problem d’Ariane Grande et Love Me Like You Do d’Ellie Goulding. La relève est donc assurée !
Combien coûte une collaboration avec Max Martin?
Selon le site NPR, vous devrez débourser au moins $100,000 par titre pour vous adjoindre les services de Max Martin en tant que producteur (pour un album, l’addition dépassera donc le million de dollars). C’est évidemment sans compter les parts d’édition qui lui seront reversées à titre de royalties.
Je suis curieux de savoir quels seront les prochains tubes planétaires du Cyrano de la Pop et de ses acolytes.
Quel est le secret du succès des auteurs-compositeurs-producteurs suédois ?
Si l’on en croit les experts du sujet, cela se résume en un mot: Jantelagen, un concept typiquement suédois qui signifie en gros le fait de ne pas vouloir étaler son succès, d’accepter le fait de rester dans l’ombre, de laisser la place aux autres, les interprètes dans le cas présent. C’est en quelque sorte le contraire de la vanité.
Cette forme d’humilité nordique, associée à un sens mélodique hyper développé, à une capacité à exprimer simplement les sentiments dans un anglais épuré et à une force de travail exceptionnelle est le moteur du succès des auteurs-compositeurs-producteurs suédois depuis des décennies !
